Le plus dur dans la rédaction d’un roman (et je suis en train de
terminer le 4ème), c’est de le démarrer et de le finir. Un jour, un
écrivain m’a dit « Lorsqu'on se relit, il faut être son pire
bourreau ».
Vincent Laurent
INTERVIEW DE VINCENT LAURENT
Bonjour Vincent Laurent. Merci d’accorder cet interview pour BAZAR
BOUQUIN. Alors j’ai lu votre roman, ou plutôt j’ai dévoré
votre roman « Le mélopée du mojo » quasiment d’une
traite. Il est difficile de le lâcher tant l’histoire nous prend
avec elle, nous surprend et nous apprend aussi tant il y a de
références. Votre plume est agréable. Nous entrons dans l’histoire
et nous sommes aspirés dans un tourbillon qui nous conduit avec le
héros droit dans les ténèbres… peut-être en enfer…. qui sait.
En
tous les cas votre roman m’a fait pensé à des histoires que je
lisais dans le comics pocket « Il est minuit l’heure des
sorcières » aux éditions Arédit. Ces histoires étaient
terribles, c’était une édition en français de bandes dessinées
de DC Comics. J’ai donc retrouvé un peu mon âme d’adolescent en
vous lisant et surtout j’ai passé un moment où j’oubliais ma
maladie, ce qui n’est pas rien.
Êtes-vous
sensible au fait que votre roman puisse ainsi divertir un de vos
lecteurs, au point qu’il en oublie pour un moment ses douleurs ?
Non,
il est vrai que le processus d’écriture est particulier : on
est en général seul avec ses idées et son histoire et on le reste
jusqu'à la fin. Lorsque le roman est publié, c’est carrément
autre chose qui démarre : je dois parler de ce que j’ai
« commis », de la façon dont je l’ai fait. Lorsque
j’écris, je pense évidemment aux lecteurs en essayant de leur
donner l’histoire la plus agréable possible. Je n’aime pas la
sensation de leur faire perdre du temps. Mais savoir qu’ils
puissent oublier, comme pour vous, le tracas quotidien et la maladie
le temps d’une lecture, ça vaut pour moi tous les prix littéraires
du monde…
Pourquoi écrivez-vous Vincent Laurent ?
Au
fil du temps, c’est devenu une nécessité. Comme faire du sport ou
jouer à la console. J’ai besoin de cette stimulation
intellectuelle. Et puis, en fait, j’ai toujours raconté des
histoires… Dès l’âge de huit ans, je faisais des BD et
m’amusait à écrire des histoires et à surprendre mes premiers
lecteurs (mes frères) !
Pour qui écrivez-vous ?
Avant
tout pour moi, j’écris les histoires que j’aimerai lire. A
présent que je suis père de deux enfants, j’écris aussi pour
leur transmettre un bout de moi qu’ils transmettront à leur tour,
je l’espère, à leurs propres enfants.
Qu’est-ce qui vous a décidé d’écrire ? Quels sont les
auteurs qui vous inspirent le plus ?
J’ai
souvent commencé à écrire des histoires que je ne terminais pas.
Je m’éparpillais beaucoup. Participer à des concours de nouvelles
et être primé à plusieurs reprises m’a poussé sur la voie pour
de bon. C’est comme cela que j’ai trouvé la force et le courage
d’écrire mon premier roman « Au jeu du chat et de la
souris » (qui a été primé à son tour en 2016 par le Lions
Club).
Au
niveau des romans policiers, j’apprécie énormément Michael
Connelly qui est pour moi un monstre de travail et un excellent
journaliste. J’aime aussi beaucoup Dennis Lehane ou Andrea
Camilleri. En ce qui concerne la créativité, j’ai une grande
affection pour Frédéric Dard que j’aurai apprécié rencontrer de
son vivant.
Michael Connelly
Crédit: M.J. Kim/AP
C’est votre troisième roman et vous ne vivez pas encore de votre
écriture, à ce que j’ai pu comprendre ?
Non,
c’est exact. C’est assez difficile d’être publié, c’est
encore plus difficile de vivre de son clavier. A moins d’être
édité par l’une des dix grosses maisons d’édition qui trustent
95% de la place littéraire, il faut énormément de facteurs, de
talents (et de chance parfois) pour faire de son roman un
best-seller. Peut-être un jour cela arrivera-t-il. Tant mieux !
Sinon, ce n’est pas grave. Je ne le fais pas pour l’argent.
6.
Venons-en à votre roman sans faire de spoiler. Êtes-vous satisfait du
rendu final de votre roman, ou pensez-vous encore vous que vous
auriez pu changer ceci ou cela ? Ou autrement posé, à quel
moment vous dites-vous que ça y est l’écriture du roman est
terminée, j’y ai mis toutes les références (et il y en a!) que
je voulais ?
Le
plus dur dans la rédaction d’un roman (et je suis en train de
terminer le 4ème),
c’est de le démarrer et de le finir. Un jour, un écrivain m’a
dit « Lorsqu’on se relit, il faut être son pire bourreau ».
Avec le temps, je suis plus sérieux dans ma relecture. Je pourrais
encore modifier certains passages ou en ajouter. Mais à un moment
donné, il faut savoir le poser et dire stop, sinon on n’en sort
plus.
Je
suis assez satisfait du rendu final de la Mélopée du Mojo. Je pense
qu’il s’agit de mon roman le plus abouti.
Est-ce que l’actualité comme les gilets jaunes, vous influence
lors de l’écriture d’un roman, ou va-t-elle trop vite ?
Je
dirais que c’est un ensemble de choses. Les actualités peuvent
m’influencer c’est sûr.
A
vous lire, vous n’aimez pas trop les talk-show ? Et les films
pornos (rire) ?
Ça
dépend ! Mais il faut de tout pour faire un monde !
Votre héros Iago ne me parait pas très sympathique, il est même
difficile de le plaindre, pourtant il est attachant et on a envie de
savoir jusqu'où il va aller, sans forcément être pour lui. Cela
nous met dans un drôle d’état : une sorte de « mal à
l’aise ». Ne trouvez-vous pas ?
C’était
le but ! Lui-même a du mal à se trouver, à cerner son
identité dès le départ. Lorsqu'enfin il se voit affubler de
pouvoirs et réalise à peu près tout ce qu’il désire, là
encore, difficile pour lui de concilier fantasmes et réalités et de
comprendre qui il est malgré tout. Je pense qu’Iago est juste un
pauvre type, comme nous le sommes tous plus ou moins, qu’il essaie
de se démener du mieux possible dans ce monde. Si nous étions
capable de réaliser nos moindres désirs, notre côté sombre
surgirait à coup sûr. Je suis certain que quel que soit l’individu
propriétaire du « mojo », il finirait par s’en servir
pour de mauvais desseins. C’est dans la nature humaine !
Nous trouvons beaucoup de références à la musique, à la
littérature, la bande dessinée et le cinéma. Pourquoi toutes ces
références ? Êtes-vous un geek ?
Non,
je ne pense pas. Je m’intéresse à tous les arts. Il y a toujours
une musicalité dans mes histoires et des clins d’œil à la
musique ou au cinéma. Je pense que je pourrai sortir une bande
originale de chacun de mes romans !
9.
Vous faites aussi beaucoup allusion à la foi chrétienne (avec une
petite erreur, Judas à livré Jésus aux grands prêtres juifs et
non aux romains). Est-ce que la cathédrale de Reims en est
l’origine ?
Lorsque
j’ai décidé d’aborder la frontière entre le bien et le mal,
j’en suis rapidement arrivé à la religion. J’ai aimé
confronter mon personnage à la foi, à l’Eglise. A un moment
donné, Iago se retrouve dans une Eglise et a un dialogue muet avec
le Christ qui semble le regarder, lui, l’homme aux pouvoirs divins.
A un autre moment, Iago retrouve un personnage assez hostile et qui
représente plutôt le mal. J’ai trouvé ces passages intéressants
et nécessaires. La cathédrale de Reims, malgré l’inspiration
qu’elle me donne, n’y est pour rien.
10.
L’autre héroïne de votre roman est la ville de Reims, laquelle
est mise à rude épreuve. Cette ville vous donne-t-elle de
l’inspiration ?
J’essaie
toujours de reconstituer le cadre de mon histoire et en l’occurrence,
lorsque je lis un livre, j’aime pouvoir reconnaître la ville dans
laquelle les personnages évoluent. Mes précédents romans avaient
pour décor Lille et Monaco. Le prochain se déroulera dans le Berlin
des années trente… C’est important d’être crédible. Etant
rémois d’origine (j’y ai grandi et y ai vécu jusque très
tard), la Cité des Sacres m’a évidemment beaucoup inspiré. Et je
souhaitais que les lecteurs puissent la reconnaître eux aussi. Ceux
qui la connaissent bien auront forcément une autre lecture que le
lecteur lambda, reconnaîtront certains endroits, …
Iago travaille comme informaticien, il aime sa famille et il est prêt
à tout pour elle. Est-ce que je ne dis pas des bêtises le
concernant ? Est-ce qu’il y a un peu de vous en Iago ou
ce personnage est-il entièrement différent de vous ?
C’est
tout à fait cela. Sa famille est un peu particulière (c’est rien
de le dire), mais elle ressemble probablement beaucoup à une famille
classique de province. Je suis un peu comme Iago dans le sens où je
suis très porté sur la famille et plutôt fidèle envers les gens
que j’aime. Iago est aussi un peu un artiste (il souhaite publier
une bande-dessinée). En revanche, en ce qui concerne le reste, je ne
me sens pas forcément très proche de lui.
Le diable, plutôt une certaine image qu’on s’en fait, est un
acteur important dans votre livre. Il est vraiment terrifiant si,
comme moi, on entre dans l’histoire et que les personnages
deviennent vivants sous votre plume alerte. Croyez-vous au diable ?
Avez-vous eu quelques hésitations de mettre en scène le tentateur ?
Je
crois au vice que chacun porte en soi et de ce qu’il peut en faire.
Pour le reste, je suis plutôt agnostique. Le personnage dont vous
parlez était pour moi nécessaire, car à tout pouvoir il y a un
contre-pouvoir. Et lui est là pour remettre les choses à leur
place. Des amis proches m’ont confié avoir été particulièrement
effrayés ou, du moins, troublés, par l’apparition particulière
de ce personnage et dans le cadre dans lequel il survient. Je suis
vraiment content de mon effet !...
Une représentation du démon
Comme pour « Il est minuit l’heure des sorcières »,
nous sommes confrontés à ce qu’il y a au fond de nous-mêmes,
c’est-à-dire la concupiscence qui fait que l’on convoite pour
toujours vouloir plus, devenir riche puissant et célèbre, quitte à
prendre des voies dangereuses. Et nous constatons, tout au long de
votre livre, la désillusion que procure le fait de tout avoir sans
retenue. Vous considérez-vous comme un moraliste, un donneur de
leçons ? Car vous allez quand même plus loin qu’une simple
histoire.
C’est
une question presque philosophique et je me suis régalé à faire
des expériences avec mes personnages. Je ne me sens pas
moralisateur, mais j’aime imaginer ce que l’âme humaine peut
avoir de meilleur ou de plus sombre au fond d’elle. J’ai la
conviction que tout n’est qu’illusion ou désillusion dans la
vie, sans forcément pencher dans le côté pessimiste, je suis
quelqu'un de très gai. Mais c’est un fait : lorsque l’on
atteint un palier, on regarde toujours s’il y en a un autre plus
haut à atteindre. Et lorsqu'on l’a atteint, on continue. Il faut
alimenter l’illusion, quitte à collectionner les désillusions…
Croyez-vous que la magie existe ?
Non,
seule l’illusion de la magie existe.
Y aura-t-il une suite à « la mélopée du mojo ? »
Non,
je ne pense pas. Mais le personnage d’Iago peut très bien apparaître brièvement dans un autre roman. Je fais souvent des clins
d’œil ou des passerelles entre mes histoires.
Comme le Blog BAZAR BOUQUINS fonctionne au ralenti, je ne vais pas
prolonger votre interrogatoire (rire). Cependant vous allez passer
aux dernières questions obligatoires.
-
Que lisez-vous ces jours comme roman ? « L’arbre
des possibles » de Bernard Werber.
-
Votre auteur préféré ? Michael Connelly
-
Lisez-vous autre chose que des romans ? Pouvez-vous nous dire
quoi ?
Je
lis aussi pas mal de nouvelles ou des livres d’histoire.
-
Qu’écoutez-vous comme musique principalement, celles que vous
citez dans votre roman ?
Essentiellement
du rock et de la pop, mais je ne suis pas contre un morceau de jazz
ou d’autres choses. C’est vrai que la musique que je cite fait
souvent partie de ma playlist personnelle !
-
Actuellement y a-t-il une chanson qui vous trotte par la tête ?
Je
viens de finir « 1984 » de George Orwell. Depuis, j’ai
« Karma Police » de Radiohead qui ne me quitte plus !...
Radiohead
crédit: grammy.com
-
Qu’aimez-vous ?
Ma
famille, mes plus proches amis. Un bon repas (avec du champagne !)
-
Qu’est-ce que vous n’aimez pas ?
L’injustice
et l’irrespect.
-
Voici un liste de noms que j’ai choisi un peu comme cela.
Dites-nous ce que vous en pensez en deux mots.
Sebastian : mon frère : un grand artiste en devenir !
Stephen King > C’est le roi. Comme quoi le produit porte parfois
la bonne étiquette !
Sire Cedric >> Talentueux, mais ce n’est pas trop ma came.
Bram Stocker >> Un grand monsieur qui a su créer un monstre
littéraire !
Mary Shelley >> Une grande dame qui a su créer un monstre
littéraire !
Stan Lee >> Une collection impressionnante de best-sellers !
Jack Kirby >> Une imagination débordante.
Frank Zappa >> Je ne le connais pas bien.
Quentin Tarentino >> Un génie, tout simplement.
Jean Cocteau >> Un visionnaire.
Mylène Farmer >> On a besoin d’amour !
Question
subsidiaire : Aimez-vous le chocolat ?
A petite dose !
Voilà
cher Vincent Laurent, vous êtes libre de conclure cette interview
limité, veuillez m’en excuser. Vous pouvez écrire tout ce que
vous voulez. Il n’y a pas de censure chez MANA BAZAR.
Merci
Patric de votre intérêt pour mon travail. La littérature, et les
petits auteurs comme moi, ont besoin de personnes comme vous !
Lien facebook: https://www.facebook.com/vincent.laurent.auteur/
Ichigo Samuru