Chronique du roman de Anaïs W: « Débolis Héyavé »
N’irritez pas
vos enfants (Saint Paul)
« Quand
les armures tomberont, il ne restera que des ressemblances... »
(Anaïs W)
Anaïs W nous
raconte une histoire prenante, profonde, grave qui se passe lors de
l’adolescence, une partie de la vie tellement sensible, de Débolis
Héyavé.
Le
thème du roman nous rappelle combien les parents peuvent par leur
maladresse, leurs problèmes, leur manque d’amour pousser leur
enfant dans le désespoir et le pousser à ce chercher
un modèle qui n’es pas forcément le bon, même
s’il en retiendra de bonnes choses, cela dépend...
Irriter ses enfants a forcément des conséquences qui peuvent
s’avérer graves si le modèle que l’enfant va forcément trouver
est mauvais. On limite la casse quand il est bon.
L’enfant n’est pas une chose. Il a besoin de toute notre
affection, de toute notre attention, de tout notre amour.
Mais si on ne l’attendait pas cet enfant ?
Si la mère l’abandonne dès sa naissance ?
Si le père l’abandonne alors que l’enfant est adolescent ?
Si les parents divorcent ?
Eh
bien cet enfant qui deviendra un ado, puis un adulte, ne mérite pas
qu’il soit rejeté. Rejeter
son enfant est un acte égoïste, même si cet enfant n’est pas
aimé. Et pourquoi ne serait-il pas aimé ? Comment ne puis-je
pas aimer celui qui est mon sang ? C’est
impossible. Je ne porte pas de jugement sur ceux qui le font :
qui n’aiment pas leur gosse jusqu’à les abandonner. Mais je
rappelle simplement que le rejet d’un enfant pour une raison ou une
autre est un acte égoïste, c’est un manque d’amour.
L’amour
n’est pas simple, encore faut-il avoir été aimé soi-même. Il
est vrai que cela peut-être un frein, mais, quand même, cet être
qui est venu au monde est un enfant innocent, mon sang coule dans
ses veines, l’enfant n’est pas coupable des
actes de ses parents.
Un
ado, c’est pénible bien souvent. Mais c’est merveilleux, si on
l’aime. Il demandera beaucoup, mais nous attendons aussi beaucoup
et parfois trop. Ne pas aimer son enfant, le confier à
ses parents pour qu’ils s’en occupent, bon débarra :
Quelles en sont les conséquences ? Elles sont diverses, selon
l’enfant, sa sensibilité.
Anaïs W, elle, nous raconte Débolis. On s’attache à ce jeune qui
cherche à canaliser sa colère.
La
colère. Nous pouvons nous retrouver dans ce roman réaliste. Anaïs
W connaît
bien les adolescents et pas
qu’eux...
La
colère. Elle peut être dissimulée par une apparence, un choix de
vie : Par exemple celle d’être musicien sympathique et calme,
la laissant s’exprimer sur scène dans des solos de guitares
torturés qui peuvent durer. Elle peut
se cacher dans un rejet des traditions pour chercher ailleurs et cela
peut durer longtemps.
L’amour
des membres de la famille ne suffit pas, il faut un déclic.
Anaïs W sait raconter, vous n’avez pas envie de lâcher ce roman
bien écrit, chaleureux, dynamique. Anaïs W sait nous montrer dans
une histoire intéressante qu’il ne sert à rien de camoufler sa
colère.
Parents, n’irritez pas vos enfants, cette exhortation vieille de
2.000 ans est toujours d’actualité. Et peut-être plus que jamais
dans un temps où la famille… ce mot à aujourd’hui un sens
étrange.
Débolis Héyahvé, un garçon attachant, une histoire criante de
vérités. Allons à la rencontre de celle qui a donné vie à ce
héros de la vie courante, d’une vie douloureuse :
« Je
m’adresse à l’humain… on a tous quelque chose à régler »
(Anaïs W)
Ichigo Samuru :
Pourquoi écrivez-vous Anaïs W ?
Anaïs W :
Pour moi d’abord, à l’adolescence. Je ne pouvais pas exprimer la
noirceur et la brutalité de mes émotions dans ma vie, alors je l’ai
fait par écrit. Maintenant que je suis auteure, j’écris pour mes
lecteurs et je veux partager un message de combativité, de
positivité. Je le fais toujours dans des histoires concrètes.
I.S. : Pour
qui écrivez-vous ?
A.W : Je
m’adresse à l’humain, à ce qu’il y a en chacun de nous. Tout
âge est concerné. On a tous quelque chose à régler. J’essaie
juste de réveiller les consciences.
I.S. : Le
nom de votre héros, Débolis Héyavé est assez surprenant.
A.W : Oui,
au départ « Débolis Héyavé » était une nouvelle pour
un concours au lycée. Je voulais écrire l’histoire d’un baba
cool, et je voulais un prénom représentatif. J’ai donc inventé
« Débolis ». Quant à « Héyavé », c’était
pour la consonance spirituelle, rien à voir avec la religion.
I.S. : Cette
histoire semble tellement réelle. Est-ce voulu ?
A.W : Oui,
je ne sais pas écrire autrement ! Je ne pourrais pas m’exprimer
dans la science-fiction par exemple. Au début j’avais peur de dire
que mes livres sont « réalistes » car les gens veulent
justement fuir leur quotidien. Puis avec les commentaires de mes
lecteurs, j’ai découvert le message que mes livres portaient. Bien
que réaliste, ils permettent aux lecteurs de réfléchir sur leur
vie, leurs choix, ce qu’ils doivent combattre. Mon univers est un
peu psychologique et offre une ouverture sur la « banale
réalité »
« Je
nomme les émotions pour que les lecteurs puissent s’identifier »
(Anaïs W)
I.S. :
Pensez-vous que les parents aient un rôle capital à jouer dans la
vie de leurs enfants ?
A.W : C’est
difficile de répondre à cette question. Il y a des millions de cas,
de situations différentes dans les relations parents-enfants. Je
pense que le plus important c’est d’avoir un modèle stable, un
repère auquel on peut s’identifier et faire confiance. Après…
quand on grandit sans parents, on dit toujours qu’on cherche un
« père » ou une « mère » et non « un
modèle », donc il semble difficile de s’en passer.
I.S. : La
solution que nous pouvons lire dans votre roman, de cette stabilité
que Débolis a retrouvée, pensez-vous qu’elle soit suffisante ?
A.W : Oui,
mais à ce moment-là seulement ! Débolis
a trouvé ce dont il a besoin pour aller de l’avant mais
est-ce que ça suffira quand un nouvel obstacle surgira dans
l’avenir ? Difficile de savoir. Je pense que dans les
périodes les plus dures, on essaie juste de
colmater les brèches pour ne pas sombrer et cette stabilité
n’est pas pérenne. Je me dis souvent que rien n’est acquis.
I.S. :
L’Illusion (car beaucoup de gens vivent dans l’illusion) peut
apaiser la colère pour un temps, voir soulager. Pensez-vous que ce
soit mal ?
A.W : Déjà
c’est difficile de se rendre compte que l’on vit dans l’illusion,
jusqu’à ce qu’il arrive quelque chose qui nous en fasse sortir.
L’illusion peut être bénéfique. L’illusion est humaine. Elle
nous protège. Mais il faudra bien un jour percer la bulle.
« L’illusion
est juste un moyen de repousser à plus tard ce qu’on n’a pas
envie d’affronter maintenant. » (Anaïs W)
I.S. :
Combien de romans avez-vous écrit Anaïs W ?
A.W :
Officiellement deux, bientôt trois. J’ai de côté, dans mes
tiroirs, deux autres idées de romans potentielles mais rien ne me
dit que mon prochain livre ne sera pas une idée complètement
nouvelle !
I.S. :
Sont-ils tous du même genre ?
A.W : Je
n’appartiens pas à un genre… Je ne peux pas dire « policier »,
« voyage », « romantique »… juste réaliste.
Après, oui, mes livres suivent tous un fil rouge : les récits,
les combats, les façons de s’en sortir… l’espoir !
(Nous discutons un
moment sur le genre littéraire de Anaïs W. pourquoi pas inventer un
nouveau nom : le genre « Romans d’Aventures de la vie. »
ou « Romans de la vie » ?)
« Au-delà
des tours » mon premier roman raconte l’histoire de la jeune
Debbie qui, à cause d’une connerie faite par son frère, se
retrouve à vivre seule dans une cité. En plein clivage avec ses
parents, elle y survit tant bien que mal en se forgeant une carapace.
Malheureusement son frère va ressurgir l’été de ses quinze ans
et venir détruire ses maigres espoirs d’un avenir meilleur. Ses
parents vont jeter l’éponge et Debbie, n’ayant plus aucune forme
de famille, aussi. L’adolescente va tomber bien bas et toute la
question de ce roman c’est, comment va-t-elle s’en sortir ?
Où va-t-elle trouver le courage et l’envie de se battre une
dernière fois ?
Pour
« Débolis Héyavé » j’ai voulu une approche
différente. Après avoir été abandonné par sa mère, puis par son
père, Débolis se retrouve à l’adolescence dans une rage noire,
dévoré par l’incompréhension. Avec l’aide de son grand-père
il comprend qu’il ne survivra pas à cette colère et finit par
avoir un déclic : il trouve refuge dans la spiritualité, noue
avec des principes de tolérance et de positivisme. Mais est-ce
suffisant ? L’arrivée d’un nouveau camarade, William, va
bousculer toutes ses croyances. William veut faire réfléchir
Débolis sur ce qui se cache derrière les apparences et il n’y va
pas avec le dos de la cuillère. La rivalité entre les deux jeunes
hommes manque de mal se terminer… On se demande comment Débolis va
tenir le coup, s’il va retrouver l’équilibre et surtout comment
alors qu’une mauvaise nouvelle menace ?
I.S. :
Qu’aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de Anaïs W ?
A.W :
Mon honnêteté et ma franchise, comme dans mes écrits. Et aussi mon
positivisme !
I.S. :
Qu’écoutez-vous comme musique Anaïs W ?
A.W :
J’ai ma playlist « inspiration »
sur ma
chaîne YouTube si
vous voulez ! Sinon,
voyons plutôt ce que je
n’écoute pas, ce sera plus facile. Je n’aime pas la variété
française, le R’n’B et le RAP, les
musiques latinos. Dire que j’aime
la Pop, le Rock c’est assez
vague… J’aime les groupes comme
Archive, Radiohead,
First
Aid Kit, Saez aussi.
I.S. : Quel
est votre auteur(e) préféré(e) ?
A.W :
J’ai le droit à un bonus, alors j’en donne deux ! Caryl
Ferey et le reporter de guerre Patrick Chauvel.
I.S. : Alors
vous n’y échappez pas : Caryl Ferey en deux mots.
A.W :
Historique et brutal.
I.S. :
Patrick Chauvel en deux mots :
A.W :
Guerre
et image
I.S. : Je
vous laisse conclure.
A.W :
Merci de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer sur ces
choses qu’on ne m’avait jamais demandée. Je suis reconnaissante
de ce moment de partage, merci beaucoup.
Nous quittons
Anaïs W, mais nous la retrouverons lors de la sortie de son prochain
roman, c’est certain. Quitter une auteure qui a une telle
générosité, une telle conviction dans ses écrits, laisse ensuite
comme un vide. Il faut un moment pour se retrouver tant ce fut
aussi agréable pour votre serviteur. Il n’y a pas à dire
mais voilà un talent sûr à suivre de près.
Ichigo Samuru